Sujet (terminales technologiques) : L'obéissance à la loi peut-elle être condamnable ?

Publié le par Bégnana

Il paraît évident qu’il faut obéir aux lois sinon, on mérite d’être condamné, réellement ou moralement. Il paraît alors absurde d’être condamnable parce qu’on a obéi à la loi.

Toutefois, on loue les résistants qui ont enfreint les lois existantes au péril de leur vie. Et surtout on blâme les collaborateurs pour avoir obéi à la loi. Certains furent même condamnés.

Dès lors on peut se demander si l’obéissance à la loi peut être condamnable.

 

La loi rend possible l’ordre social. Sans ordre, c’est la guerre de chacun contre chacun. Car, comme le montrent amplement les guerres civiles, lorsqu’il n’y a pas d’autorité, les hommes sont capables des pires atrocités. Aussi peut-on penser que « l’homme est un loup pour l’homme » comme le rappelle Hobbes.

Il vaut donc mieux une mauvaise loi que pas de loi du tout. Même la tyrannie est préférable à l’absence de loi. C’est que même si le tyran gouverne pour son bon plaisir, il maintient un certain ordre social. Obéir à un tyran n’est en aucun cas condamnable même si son ordre est immoral à nos yeux. Au contraire, la désobéissance à la loi au nom de la morale sape toute autorité et conduit à la guerre civile qui est encore plus immorale.

Néanmoins, obéir à certaines lois, c’est aussi agir de façon immorale. À quoi sert une loi si elle conduit l’existence humaine à l’indignité ?

 

Aussi obéir à la loi peut être condamnable lorsque la loi est injuste. L’obligation de dénoncer les juifs, de les livrer à une mort certaine, était une mauvaise loi sous le règne des nazis et de leurs alliés. Cette opposition entre loi morale et loi de la cité, Sophocle (~495-405 av. J.-C.) dans Antigone (422 av. J.-C.) l’a mis en scène. Créon, le roi ou tyran de Thèbes, refuse la sépulture à Polynice, le frère d’Antigone qui a combattu la Cité à la différence de son frère Étéocle. Invoquant les lois non écrites, les lois divines, Antigone décide de passer outre. Elle donne à son frère une sépulture et le paie de sa vie. Finalement Créon est condamnable du point de vue moral.

Aussi peut-on généralement estimer qu’obéir à la loi est condamnable si elle est injuste. C’est le cas également si lui obéir est profitable. Qui obéit à une loi immorale par peur est blâmable, c’est-à-dire qu’il a commis une faute mais non condamnable, c’est-à-dire qu’il a commis une faute qui mérite une punition. On comprend pourquoi cela a eu un sens de juger et de punir des collaborateurs qui, en obéissant aux lois, ont profité de la situation pour s’enrichir.

Cependant, si chacun invoque la morale pour ne pas obéir à la loi, toutes les désobéissances deviendront légitimes. Ne faut-il pas alors une loi pour fonder la désobéissance à certaines lois ?

 

En effet, les lois sont instaurées pour rendre la vie en société possible. Pour qu’elles le permettent sans être injustes, il est nécessaire qu’elles respectent chacun. Elles doivent permettre une vie digne. C’est pourquoi une loi n’est légitime que si et seulement si elle interdit que certains puissent en dominer d’autres. Comme Rousseau l’a montré, la vie et la liberté sont des droits inaliénables. Car, il n’y a pas de compensation possible à leur abandon. Obéir à une loi qui implique d’agir immoralement, c’est se transformer en une sorte d’instrument, c’est abdiquer sa responsabilité. Aussi est-il condamnable d’obéir à la loi lorsqu’elle prétend pouvoir ordonner de tuer ou de réduire en esclavage un homme, y compris soi-même.

Il y a donc une loi supérieure à toutes les lois et qui légitime que puisse être condamnable l’obéissance à la loi. Elle présente d’abord le caractère qui rend valable toute loi, à savoir qu’elle doit être valable pour tous. Ensuite, elle stipule qu’aucune loi ne doit rendre possible la perte de la vie et de la liberté de l’innocent. C’est en ce sens qu’on peut même condamner des décisions de justice qui obéissent à la loi comme celle par laquelle Jean Valjean, dans le roman de Victor Hugo (1802-1885), Les misérables (1862) le condamné au bagne pour avoir volé du pain pour se nourrir ainsi que sa famille affamée.

 

Bref, le problème était de savoir si obéir à la loi pouvait être condamnable. Il est vrai que l’obéissance à la loi rend possible la vie en société et que ne pas y obéir en ce sens ne peut être condamnable. Toutefois, la morale exige que nous blâmions certaines lois. Si donc on obéit à des lois qui ne sont pas conformes à la loi dans son universalité et dans son exigence de rendre possible la vie et la liberté de tous les hommes, on est condamnable, c’est-à-dire punissable.

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