Proust - biographie

Publié le par Bégnana

S’il y a bien une thèse que Proust a défendue, c’est l’impossibilité de déduire l’œuvre de l’auteur. L’artiste, l’écrivain, le musicien sont différents de leur œuvre. Elle trouve sa source hors de la personne sociale et/ou mondaine de leur auteur. Personne dont l’unité est problématique. Swann ne reconnaîtra pas le vieux professeur de piano de Combray comme l’auteur de la sonate. Il pensera que c’est peut-être son frère. Le peintre, Monsieur Biche (p.78), se révèlera ultérieurement le grand Elstir qu’admirera le narrateur, d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs jusqu’au Temps retrouvé en passant par Le côté des Guermantes II. L’auteur Proust veut montrer que nous ne sommes pas identiques à nous-mêmes. Aussi est-ce une gageure que de vouloir dire quelque chose de la vie de Marcel.

On peut toutefois sacrifier au rituel biographique en prenant justement une certaine distance avec la recherche des clefs, facile et sans intérêt parce qu’elles n’expliquent rien, sauf à soutenir que l’imagination d’un écrivain, dérive tout entière de ce qu’il a vécu : ce qu’il faudrait démontrer… contre le projet proustien.

Cette brève vie de Proust tente donc de présenter à la fois ce qu’il faut savoir sur l’auteur et ce qui présente un certain intérêt pour la lecture d’« Un amour de Swann ».

 

Marcel Proust est né le 10 juillet 1871 à Auteuil. Son père, Adrien Proust (1834-1903), est médecin. Il élu en 1879 à l’Académie de médecine, professeur d’hygiène à la Faculté de médecine en 1885 (on en a fait une source et du docteur Cottard et du père du narrateur), il est le fils d’un épicier d’Illiers, près de Chartres (devenu depuis 1971, Illiers-Combray en hommage à la première partie de Du côté de chez Swann de Proust). Sa mère, Jeanne Weil (1849-1905), cultivée (elle parle et lit l’anglais et l’allemand), provient de la bourgeoisie israélite et agnostique.

Quoique Marcel ait été baptisé le 5 août, pour l’antisémitisme qui, à son époque, a pignon sur rue, il est “juif”. Lui-même confessera à ses amis qu’il est agnostique. Il est né chez son grand-oncle maternel, Lazare Louis Weil (1816-1896) où sa famille séjourne régulièrement. En 1873, son frère cadet Robert naît.

Entre six et neuf ans, Marcel passe ses vacances de Pâques et d’été quelque fois à Illiers chez la sœur d’Adrien Proust, Elisabeth, qui a épousé un marchand de draps, Jules Amiot. Deux de leurs enfants vivent en Algérie – française à l’époque – et l’oncle Amiot y séjourne fréquemment. Dans la maison d’Illiers se trouvent un salon oriental, une orangerie, un hammam, des plantes exotiques. On peut y reconnaître le « Combray » de la Recherche. Les dimanches, certains congés et vacances se passent à Auteuil – alors encore à la campagne – chez son grand-oncle maternel, Lazare Louis Weil. Autre modèle pour le « Combray » de la Recherche. Enfant, il lit beaucoup – comme son narrateur. Sa mère se charge de le guider. Il se prête des amours de jeunesse –imaginaires ou réels –pour des jeunes filles avec qui il joue aux Champs-Élysées, dont Lucie Faure, la fille du futur président de la République.

Ce sont les crises d’asthme dont Marcel est victime à partir du printemps 1881 qui mettront fin aux séjours à Illiers. Elles inaugurent une vie liée à la maladie où la chambre est le lieu du souvenir. Élève au cours Pape-Carpentier, il va pour la première fois au théâtre.

En 1882, Marcel est élève au lycée Condorcet (en classe de 6ème). Souvent absent, il se fait des amis, notamment Jacques Bizet (1871-1922), le fils du compositeur Georges Bizet (1838-1875), dont la mère, Geneviève Halévy (1849-1926), cousine de Ludovic Halévy (« Un amour de Swann », p.215) (1834-1808) deviendra en secondes noces, Madame Straus, en épousant l’avocat des Rothschild et Daniel Halévy (1872-1962), futur historien et philosophe qui écrira sur Nietzsche (1844-1900), le fils de Ludovic.

En 1884, Marcel passe le « certificat d’études de grammaire » (latin, grec, allemand, histoire romaine).

En 1886, la famille de Marcel se rend une dernière fois à Illiers à l’occasion du décès de sa tante paternelle, Élisabeth Amiot. Marcel redouble sa seconde. Il admire Anatole France (1844-1924).

Il a seize lorsque son père lui donne de l’argent pour aller au bordel : c’est un échec. Ses amis remarquent son attirance pour certains d’entre eux.

En 1888, il suit les cours de philosophie du professeur Alphonse Darlu (1849-1921), fondateur de la Revue de métaphysique et de morale et néokantien, auquel il rendra hommage dans la Préface des Plaisirs et les Jours :

« le grand philosophe dont la parole inspirée, plus sûre de durer qu’un écrit, a, en moi comme en tant d’autres, engendré la pensée ».

Il collabore déjà à d’éphémères revues (Revue verte, Revue Lilas).

Il rencontre chez son grand-oncle maternel, Lazare Louis Weil, la belle et spirituelle courtisane, Laure Hayman (1851-1932) qui habitait rue La Pérouse comme Odette de Crécy dans « Un amour de Swann » (On peut toujours y voir l’oncle du narrateur d’« Un amour de Swann » : « Mon [c’est moi qui souligne] oncle conseilla à Swann de rester un peu sans voir Odette qui ne l’en aimerait que plus, et à Odette de laisser Swann la retrouver partout où cela lui plairait. » p.190). Marcel fut peut-être aussi son amant. Elle se reconnut en 1922, lorsqu’elle lut le premier volume du roman de Proust. Il lui écrivit alors pour démentir cette identification.

Il obtient son baccalauréat en 1889, l’année où meurt sa grand-mère paternelle. Il s’engage. Cela ramène à un an son service militaire qu’il effectue à Orléans. Il perd sa grand-mère maternelle d’une crise d’urémie en 1890.

Il collabore ensuite à différentes revues littéraires avec ses condisciples : Henri Barbusse (1873-1935), Jacques Bizet, Léon Blum (1872-1950) le futur premier ministre du Front Populaire, Robert Dreyfus (1873-1939), futur journaliste, historien et traducteur de Nietzsche, Robert de Flers (1972-1927), Fernand Gregh (1973-1960), Daniel Halévy.

En 1891, il s’inscrit à la faculté de droit de Paris sur les injonctions de son père qui aimerait le voir embrasser une carrière sérieuse. Il y mène des études de sciences politiques. Il donne au Mensuel sa première page de fiction, « Souvenir ».

En 1892, il fonde une revue Le Banquet avec ses amis, Fernand Gregh, Robert Dreyfus, Louis de La Salle, Daniel Halévy et Jacques Bizet dans laquelle il publiera. La revue aura huit numéros tirés à 400 exemplaires. Il fréquente le salon de Mme Arman de Caillavet (1855-1910) (un des supposés modèles du salon Verdurin) où il rencontre Anatole France et le salon de la princesse Mathilde Bonaparte (1820-1904), princesse Demidof, la nièce de Napoléon 1er et la cousine germaine de Napoléon III. Jacques Émile Blanche (1861-1942) fait de lui un célèbre portrait. Il est coiffé à la Bressant comme l’est Swann (Proust, À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, Première partie Combray I, Paris, Quarto Gallimard, 1999, p.21).

Marcel est garçon d’honneur au mariage du philosophe Henri Bergson (1859-1941), dont l’épouse, Louise Neuburger était la cousine de sa mère. Il le critiquera dans Sodome et Gomorrhe II.

En 1893, il publie différentes nouvelles dans La Revue blanche, et côtoie des écrivains comme Verlaine (1844-1896), Maeterlinck (1862-1949), Gide (1869-1951), des illustrateurs et peintres comme Vuillard (1868-1940) et Toulouse-Lautrec (1864-1901). C’est une revue anarchiste et symboliste [un peintre symboliste est présent dans « Un amour de Swann », c’est Gustave Moreau (1826-1898), p.141], c’est-à-dire qu’elle est alors, selon la métaphore militaire, à l’avant-garde. On appelle symbolisme une école littéraire artistique et littéraire qui use de symboles pour exprimer la dimension métaphysique de l’homme. Proust s’y oppose. Il critique notamment le chantre de l’hermétisme qu’était Mallarmé (1842-1898). Dans sa réponse, Le mystère dans les lettres, ce dernier traitera sans le nommer Proust de « camelot ».

Il se lie d’amitié avec Robert de Flers et Robert de Montesquiou (1855-1921) [La princesse des Laumes, Oriane, prétend que son mari a hérité des Montesquiou des choses qui restent dans le grenier. Proust fait donc de cette famille des personnages de son roman. Cf. « Un amour de Swann » p.220]. On fait de ce dernier, descendant de D’Artagnan, homosexuel ou plutôt inverti comme Proust aurait préféré dire, poète, un modèle du baron de Charlus. Marcel fait la connaissance de la comtesse Greffulhe (1860-1952) dont on a fait un modèle de la princesse des Laumes pour son élégance. Proust écrit la nouvelle L’Indifférent, qu’il publiera dans La Vie contemporaine le 1er mars 1896, nouvelle qui peut passer pour un avant-texte d’« Un amour de Swann ». Marcel séjourne trois semaines à Saint-Moritz avec Louis de La Salle. Il se rend ensuite à Évian et à Trouville. Il obtient sa licence en droit et s’inscrit en licence de lettres (option « philosophie »). Il a suivi notamment les cours de Gabriel Séailles (1858-1922), auteur d’un Essai sur le Génie dans l’art (1883) et Léonard de Vinci, essai de biographie psychologique (1892), qui défendait une conception de l’art démarquée de Schopenhauer (1788-1860) et de Schelling (1775-1854) qui en fait l’œuvre d’un génie qui exprime la vérité de la nature.

« L’Idée ne serait rien sans la forme ; mais c’est elle qui a créé la forme. » Gabriel Séailles, Essai sur le Génie dans l’Art.

Séailles était également dreyfusard.

C’est chez la peintre Madeleine Lemaire (1845-1928), le 22 mai 1894, au château de Réveillon, qu’il rencontre le musicien Reynaldo Hahn (1874-1947) avec qui il aura une relation amoureuse durant deux ans et qui restera ensuite son ami. Pianiste, compositeur, adversaire de Wagner, il pourra donner à Proust de précieuses indications sur la musique. Madeleine Lemaire passe pour un modèle de Mme Verdurin. Un de ses fidèles la nommait « Patronne ».

C’est l’année où commence l’Affaire. Le capitaine Alfred Dreyfus (1859-1935), officier de l’armée française, juif, est accusé d’espionnage pour le compte de l’Allemagne. Jugé, condamné, dégradé et déporté à l’île du Diable à Cayenne, Dreyfus clame son innocence, en vain. Marcel et son frère sont dreyfusards. Il se rend à Trouville avec sa mère.

Il obtient sa licence de lettres mention philosophie en 1895. Grâce à sa mère, Alphonse Darlu lui a à nouveau donné des cours de philosophie. Il fréquente les salons, notamment celui de la princesse de Polignac (1865-1943) [elle apparaît dans « Un amour de Swann » ; la Marquise de Gallardon que sa cousine, la Princesse des Laumes n’invite jamais trouve comme motif qu’elle aurait pu rencontre la Princesse Mathilde, ce que sa famille, ultralégitimiste aurait trouvé abominable (p.209)], homosexuel comme son mari, musicienne qui reçoit Gabriel Fauré (1845-1924). Il fréquente aussi les bals, le théâtre et l’Opéra, bref mène une vie mondaine qui déplaît à son père. Sa seule activité professionnelle fut d’être attaché non rémunéré à la bibliothèque Mazarine. Il se fait rapidement mettre en congé pour raison de santé en 1900. Il rencontre le peintre Alexander Harrison (1853-1930), connu pour ses « Marines » qui passe pour le modèle d’Elstir de la Recherche.

Il part en Bretagne avec Reynaldo Hahn et séjourne à Beg-Meil où il commence à rédiger Jean Santeuil qui restera inachevé et inédit après son abandon en 1902 jusqu’à sa publication par Bernard de Fallois en 1952. Il s’agit d’une autobiographie rédigé à la troisième personne dont l’épigraphe est « Puis-je appeler ce livre un roman ? ». Alors qu’il se détache de l’amour de Françoise, Jean la revoit en rêve comme dans l’épisode du rêve qui achève « Un amour de Swann ». En novembre 1895, il donne Chardin et Rembrandt. Portraits de peintres, en vers.

Le 12 juin 1896, il fait paraître chez Calmann-Lévy, Les plaisirs et les jours, avec des illustrations de Madeleine Lemaire et une préface d’Anatole France. Le recueil comprend des nouvelles, des poèmes et des portraits de peintres et de musiciens. Certains de ces textes peuvent passer pour des avant-textes d’« Un amour de Swann », comme « La fin de la jalousie ». L’accueil est mitigé. Léon Blum est peu enthousiaste. L’écrivain et homosexuel Jean Lorrain (1855-1906) est le plus venimeux et insinue que les rapports de Marcel et de Lucien Daudet (1883-1946), le fils du romancier Alphonse Daudet (1840-1897), ne sont pas platoniques. Marcel et lui échangent deux balles lors d’un duel le 6 février 1897 : il n’y eut aucun blessé et le différend fut réglé.

Son grand-oncle maternel d’Auteuil meurt. La propriété d’Auteuil sera vendue l’année suivante. Son grand-père paternel décède également. Il séjourne quelque temps au Mont-Dore.

En 1897 il visite avec sa mère la Rhénanie. Proust découvre le critique d’art anglais John Ruskin (1819-1900) partisan d’un socialisme esthétique, favorable à l’artisanat et opposé au travail industriel. Remarquons que Séailles, un des professeurs de Proust à la Sorbonne, tentait dans sa Ligue pour l’Union de l’Action Morale, d’avoir une action sur le peuple, comme Ruskin le faisait en Angleterre. Il remit en honneur Giotto [Swann est un admirateur des Vices et des Vertus de Giotto à Padoue, cf. « Un amour de Swann », p.207)] (1266-1337), Carpaccio (~1465-1526) ou encore Botticelli (1445-1510). Ce dernier apparaît plusieurs fois dans « Un amour de Swann ». Odette ressemble à sa Zéphora (pp.89, 90,91,92) ; en snob de la culture, Swann lui donne son nom « Sandro di Mariano » et le distingue de son surnom populaire, « Botticelli » (p.90) ; jusqu’en dans l’amour physique, la ressemblance avec « les femmes du maître florentin » demeure (p.101) ; mieux : Swann conserve une attitude esthétique et c’est donc une « vierge de Botticelli » dont il pince les joues – petit geste sadique qu’on peut remarquer au passage ; c’est la Primavera, la bella Vanna ou la Venus de Botticelli dont l’âme est comparée à Odette (p.191).

Zola (1840-1902) publie son célèbre « J’accuse » dans L’Aurore le 13 janvier 1898 qui dénonce les irrégularités dans le procès Dreyfus. Marcel assiste au procès de l’auteur des Rougon-Macquart, qu’il décrit dans Jean Santeuil. Il signe la pétition en faveur de la révision du procès Dreyfus. Il se retrouve, au nom de la vérité, dans le camp d’Anatole France, de Georges Clemenceau (1841-1929) et Jean Jaurès (1859-1914) (qu’il n’aime pas) et opposé à Maurice Barrès (1862-1923) ou Léon Daudet (1867-1942), ses amis.

Avec sa mère, il se rend d’abord à Trouville puis à Amsterdam en octobre pour y voir l’exposition Rembrandt (1606-1669). Le tableau de Rembrandt, Saskia van Uylenburg (1633-1642), où on voit sa femme avec un chapeau rouge peut être mis en relations avec le passage d’« Un amour de Swann », (p.109) où Odette à un chapeau à la Rembrandt. Il est aussi question de La ronde de nuit (1642) qui se trouve au Rijksmuseum d’Amsterdam (p.126).

Il visite également le musée Gustave Moreau (1826-1898). Les images de femme du peintre sont associées à l’idée d’Odette la cocotte : « la femme entretenue – chatoyant amalgame d’éléments inconnus et diaboliques entrelacées à des joyaux précieux – » (« Un amour de Swann », p.141). Il écrit sur les deux peintres.

Il séjourne de nouveau à Évian en 1899. Il étudie Ruskin et l’art médiéval. Avec l’aide de sa mère et de Marie Nordlinger, une cousine de Reynaldo Hahn, il entreprend la traduction d’un ouvrage du critique : La Bible d’Amiens au moment où il abandonne Jean Santeuil.

En 1900, il assiste à la première leçon de Bergson au Collège de France. En avril il publie plusieurs articles sur Ruskin qui vient de mourir. En compagnie de sa mère, à Venise, il suit ses traces. Il retrouve Reynaldo Hahn et Marie Nordlinger. Il peut y contempler des tableaux de Carpaccio (1460-1526), de Bellini (1431-1507) [le portrait du sultan turc Mahomet II inspire à Swann une envie de meurtre (cf. « Un amour de Swann », p.238) : « Et Swann sentait bien près de son cœur ce Mahomet II dont il aimait le portrait par Bellini et qui, ayant senti qu’il était devenu amoureux fou d’une de ses femmes, la poignarda afin, dit naïvement son biographe vénitien, de retrouver sa liberté d’esprit. »] et se rend à Padoue pour admirer les fresques de Giotto. Il entreprend, seul, un deuxième voyage à Venise en octobre.

En 1901, il séjourne à Amiens. Il termine sa traduction de La Bible d’Amiens. Il se lie avec le prince roumain Antoine Bibesco (1878-1951) puis avec Bertrand de Fénelon (1878-1914). [À ne pas confondre bien sûr avec le Fénelon quiétiste (1651-1715) qui eut à croiser le fer théologique avec Malebranche et Bossuet, que le pédant Brichot nomme « ce doux anarchiste de Fénelon » (« Un amour de Swann » p.133).]

En 1902, meurt Charles Haas (1832/1833-1902). Fils d’un agent de change, esthète, juif converti, membre du très fermé et très select Jockey Club comme Swann, il passe pour être son modèle. Toutefois, il apparaît dans Le côté de Guermantes II comme ayant le même tailleur que Swann. Dans La prisonnière, Proust déroute encore plus : Swann est le modèle du héros du roman du narrateur, c’est-à-dire … Swann et le narrateur cite un tableau qui existe réellement et où se trouve justement… Charles Haas. Bref, il brouille les pistes et se moque allègrement de la recherche de clefs. Le prétendu modèle de Swann eut pour maîtresse la grande Sarah Bernhardt (1844-1923) qui passe pour un des modèles d’Odette. Marcel voyage aux Pays-Bas en compagnie de Bertrand de Fénelon (qui fut peut-être son amant). À Bruges, il voit une exposition sur les primitifs flamands et à La Haye, il contemple le 18 octobre la Vue de Deft de Vermeer (1632-1675). Il écrira au critique Jean-Louis Vaudoyer :

« Depuis que j’ai vu au musée de La Haye la Vue de Deft, j’ai su que j’avais vu le plus beau tableau du monde » (Lettre à Vaudoyer du 1er mai 1921).

Dans « Un amour de Swann », le personnage éponyme prépare une étude sur ce peintre [cf. « Un amour de Swann », pp.61, 108, 174, 237. La répétition montre que Swann ne finit pas et ne finira jamais son essai : c’est un critique d’art raté] et dans La prisonnière, l’écrivain Bergotte mourra après être allé à une exposition à Paris contemplé le petit pan de mur jaune de la toile qu’un critique lui avait signalé (cf. Proust, À la recherche du temps perdu, Paris, Gallimard, Quarto, 1999, La prisonnière, pp.1743-1744). Au cours de ce voyage qui le mène aussi à Anvers, Dordrecht, Rotterdam, Amsterdam, Vollendam, Haarlem, il admire des œuvres de Memling (1435/1440-1494), Roger Van der Weyden (1399/1400-1464), Rubens (1577-1640), Rembrandt. Bertrand de Fénelon est nommé à Constantinople ce qui le chagrine. Zola meurt.

Son frère Robert, se marie en 1903 à l’église de Saint-Augustin dans le VIII° arrondissement de Paris. Marcel publie des chroniques dans différents journaux. Il fréquente des aristocrates : le marquis Louis d’Albufera (1877-1953) et sa maîtresse, l’actrice Louisa de Mornand dont certains ont fait un modèle d’Odette de Crécy et d’autres celui de Rachel la maîtresse de Saint-Loup ; le prince Léon Radziwill (1888-1959) ; Armand de Gramont, duc de Guiche (1879-1962). Il voyage de nouveau à Évian. Son intérêt pour les Églises reste intact. Le 26 novembre, son père meurt subitement d’une hémorragie cérébrale.

Il publie au Mercure de France “sa” traduction de La Bible d’Amiens qu’il dédie à son père en 1904. Il entreprend la traduction de Sésame et les lys. Il publie divers chroniques et fait l’été une croisière en yacht.

Amoureux des Églises de France, c’est en esthète qu’il s’oppose à la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905. Il fait paraître le 15 juin dans La Renaissance latine, sa préface à Sésame et les lys : « Sur la lecture » où il prend ses distances avec Ruskin. Le même mois, il visite l’exposition Whistler (1834-1903) dont on fait un autre modèle d’Elstir. En août, Les Arts de la vie publient son texte « Un professeur de beauté » qui décrit Robert de Montesquiou. Début septembre, il part à Évian avec sa mère qui, prise d’une crise d’urémie, doit rentrer à Paris. Elle décède le 26 septembre à l’âge de 57 ans. Marcel, désespéré, écrit alors :

« Ma vie a désormais perdu son seul but, sa seule douceur, son seul amour, sa seule consolation. J’ai perdu celle dont la vigilance incessante m’apportait en paix, en tendresse, le seul miel de ma vie. »

Se sentant coupable, il entre en clinique le 3 décembre et n’en sortira que le 25 janvier 1906. Rentré chez lui, il reste couché jusqu’en mars en corrigeant les épreuves de sa traduction qu’il publie au Mercure de France.

Le 1er février 1907, il publie un important article, inspiré d’un fait divers, « Sentiments filiaux d’un parricide » dans Le Figaro. Un jeune homme qui avait écrit une lettre à Proust à la mort de sa mère avait assassiné la sienne puis s’était donné la mort. Il se lie d’affection pour le jeune marquis de Casa-Fuerte. Il passe l’été et les six suivants à Cabourg. On en fait le Balbec de la Recherche. Il visite la Normandie en compagnie de son chauffeur et futur amant, Alfred Agostinelli. Il publie le 19 août dans Le Figaro « Impressions de route en automobile » dont on peut trouver une transposition dans le texte écrit par l’enfant à la vue des clochers de Martinville dans « Combray », la première partie de Du côté de chez Swann.

En 1908, il publie dans le Figaro une série de pastiches relatifs à l’affaire Lemoine, cet ingénieur qui avait prétendu avoir découvert le secret de la fabrication des diamants, pastiches à la manière de Balzac (1799-1850) [Ce sont les « tigres » de Balzac que Swann prend plaisir à voir (cf. « Un amour de Swann », p.201)], de Flaubert (1821-1880), de Sainte-Beuve (1804-1869) la bête noire de Proust, d’Henri de Régnier (1864-1936), des Goncourt (Edmond, 1822-1896 et Jules, 1830-1870), de Michelet (1798-1874), de Faguet (1847-1916), de Renan (1823-1892), de Saint-Simon (1675-1755) l’un de ses auteurs de prédilection [Il est aussi un des auteurs favoris de Swann (cf. « Un amour de Swann », p.186)], et dans des textes posthumes par Maeterlinck (1862-1949), Chateaubriand (1768-1848) et Ruskin. Le but de ces pastiches consiste justement à rompre avec l’imitation en la pratiquant.

« Le tout était surtout pour moi une affaire d’hygiène ; il faut se purger du vice si naturel d’idolâtrie et d’imitation. Et au lieu de faire sournoisement du Michelet ou du Goncourt en signant (ici les noms de nos contemporains les plus aimables), d’en faire ouvertement sous forme de pastiche, pour redescendre à ne plus être que Marcel Proust quand j’écris mes romans. » Lettre d’août 1919 à Ramon Fernandez.

Sur un des carnets que lui offre Mme Straus dit « Carnet de 1908 », il prend des notes pour sa future œuvre. Remarquons qu’à propos de sa propre imagination il écrit :

« Tout est fictif, laborieusement car je n’ai pas d’imagination mais tout est rempli d’un sens que j’ai longtemps porté en moi. » Le Carnet de 1908.

Il commence un essai sur la critique littéraire sur une trame narrative, « Une conversation avec Maman » inachevé et dont les brouillons seront publiés en 1954 et en 1971 par Bernard de Fallois sous le titre Contre Sainte-Beuve. Il s’agit en effet de réfuter la méthode du célèbre écrivain romantique et critique littéraire du xix° siècle qui allait de la personne de l’écrivain à l’œuvre. Vinteuil, modeste professeur de piano ou Elstir, le vulgaire Monsieur Biche d’« Un amour de Swann » (p.78) incompris, qui se révèlera être le grand peintre Elstir que le narrateur rencontre dans la seconde partie d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs « Noms de pays : le pays », illustreront le renversement proustien par rapport à Sainte-Beuve et par rapport à tous les critiques qui cherchent désespérément les modèles de ses propres personnages. Il fait part de ses projets d’écriture à Louis d’Albufera :

« une étude sur la noblesse

un roman parisien

un essai sur Sainte-Beuve et Flaubert

un essai sur les Femmes

un essai sur la Pédérastie (pas facile à publier)

une étude sur les vitraux

une étude sur les pierres tombales

une étude sur le roman. »

Tous ces thèmes apparaîtront dans La recherche. Proust hésite donc encore. Il passe l’été à Cabourg.

C’est en 1909 qu’il passe de son projet d’essai critique à son projet romanesque (environ 450 pages). Il commence sans succès à chercher un éditeur. Notons que la future Odette se prénomme d’abord… Carmen comme la célèbre héroïne de l’opéra de Bizet donc les librettistes furent Henri Meilhac (1830-1897) et Ludovic Halévy [cf. « Un amour de Swann », p.215], par ailleurs ami de Charles Haas.

Il assiste à la première de Schéhérazade de Diaghilev (1872-1929) des Ballets russes avec Nijinski (1889-1950) le 4 juin 1910. Son secrétaire est alors Albert Nahmias ( ?-1979). Les réflexions esthétiques de l’essai critique deviennent la conclusion de l’œuvre qu’il est en train de concevoir.

Dans une lettre de novembre 1910 adressée à son ami Robert de Flers, il lui demande le numéro de La Vie contemporaine où il avait publié la nouvelle « L’indifférent » car il en a besoin [« Est-ce que tu as par hasard chez toi La Vie contemporaine (…) J’avais écrit dedans une nouvelle imbécile mais dont il se trouve que j’ai besoin et tu me rendrais service en m’envoyant ce numéro. » On voit qu’au jugement de Proust lui-même, « Un amour de Swann » est tout autre que la nouvelle. La vague identité entre des histoires, la parenté des thèmes sont donc en deçà de ce qu’il estime être l’essentiel de son projet]. Il fait capitonner sa chambre de liège pour l’insonoriser.

En 1911, il s’abonne au théâtrophone qui lui permet d’entendre au téléphone les représentations théâtrales et les opéras. Il entend Les Maîtres chanteurs de Nuremberg (1868) de Wagner (1813-1883) [Il apparaît dès la première page d’« Un amour de Swann » (p.49). Philosophiquement disciple de Schopenhauer, il est un compositeur d’avant-garde. Ami de Louis II de Bavière (p.177), il fit construire à Bayreuth (pp.177, 178, 180) une scène consacrée à sa musique. Ses œuvres sont citées : la Walkyrie (1870), deuxième opéra de la Tétralogie ; Tristan et Isolde (1865) (p.51). Le lecteur comprend que ni Madame Verdurin, ni Odette ne comprennent quoi que ce soit à sa musique, mais qu’il est un effet de mode.]. Il écoute Pelléas et Mélisandre (1892) de Debussy (1862-1918), œuvre à laquelle il voue une grande admiration. Il s’abonne à la Nouvelle Revue française.

Miss Coecilia Hayward, au Grand Hôtel de Cabourg, dactylographie le manuscrit de son premier volume : « Les Intermittences du cœur. Le Temps perdu. 1ère partie. » Le deuxième volume se serait appelé « Le Temps retrouvé ». Il propose son œuvre à l’éditeur Fasquelle.

1912 : son oncle par alliance, Jules Amiot meurt. Marcel cherche un éditeur pour son premier volume. Tour à tour le Mercure de France qui a publié ses traductions de Ruskin, et Fasquelle refuse. Il cherche à être publié aux jeunes éditions de la Nouvelle Revue française de Gallimard. C’est André Gide (1869-1951) qui est la source du refus. Il ne voyait en Proust qu’un snob et une métaphore, « un front où des vertèbres transparaissent » (lettre de Gide à Proust de janvier 1914), qui lui parut sans sens – Proust la maintiendra – l’arrêta.

En 1913, c’est l’éditeur Ollendorff qui refuse. Il le propose en février à compte d’auteur à Bernard Grasset, jeune éditeur depuis 1907. Il publie Du côté de chez Swann le 14 novembre. Il a dû supprimer deux cents cinquante pages à la demande de l’éditeur. La partie retranchée « Autour de Mme Swann » deviendra l’ouverture, en 1919, d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs. L’ensemble de l’œuvre a maintenant son titre définitif : À la recherche du temps perdu. C’est dans ce premier volume que se trouve à titre de seconde partie « Un amour de Swann ».

Cet épisode, relaté à la troisième personne, n’appartenait pas au plan primitif. Il se place avant (p.187) ou au moment (p.56) de la naissance du narrateur et relate l’amour de Swann pour Odette de Crécy. Le milieu des Verdurin, le milieu du grand-monde lors de la soirée Saint-Euverte, l’étude de la jalousie constituent une introduction à ce que développera toute La recherche. Proust le considérait à la fois comme une partie plus grand public comme l’indique une lettre à l’éditeur Eugène Fasquelle du 28 octobre 1912 [« Ce premier volume plein de préparation, sorte d’ouverture poétique, est infiniment moins “public” (sauf la partie appelée Un amour de Swann sur laquelle j’attire votre attention) que ne le sera le second. »] et une lettre à Gaston Calmette, directeur du Figaro et dédicataire de Du côté de chez Swann du 12 novembre 1913 [« Je crois que la deuxième partie (Un amour de Swann) est celle qui vous ennuiera le moins. »]. Toutefois, il considérait le morceau aussi comme une partie qui prend son sens dans le tout comme l’indique une lettre à la poétesse et comtesse Anna de Noailles (1876-1933) [« Si vous pouvez me lire, cela me fera bien plaisir, surtout toute la seconde partie du chapitre appelé : Un amour de Swann. (…) Mais vraiment séparé des autres volumes cela n’a pas grand sens. »]. Comme Swann, à la différence du héros-narrateur, n’écrira jamais d’œuvre, il n’est pas évident d’y voir une mise en abyme du roman entier. Il précise dans une lettre à Georges de Lauris d’août qu’il y a une certaine ressemblance avec « La Fin de la jalousie » qu’il estime bien inférieur [« Je corrige tant bien que mal les épreuves d’un premier volume qui n’a ni queue ni tête, mais qui sauf cette subdivision ridicule me semble bien et vivant, et tout à fait différent de ce que vous connaissez de moi. Cela ressemble peut-être un peu à la Fin de la Jalousie mais en cent fois moins mal et plus approfondi. »].

Le projet est celui d’un unique roman dont le thème est celui de la vocation d’un écrivain, celui précisément qui est le narrateur du livre, ce qui ne se révélera que dans le dernier volume, écrit dès le début : Le temps retrouvé.

Le premier volume reçut un accueil mitigé. La critique fut sévère. On accusa même Proust d’écrire en un mauvais français [Paul Souday, « Du côté de chez Swann », Le Temps, 10 décembre 1913. Cf. L’édition de Du côté de chez Swann, GF Flammarion, 1987, pp.654-659.]. Un critique italien, Lucio d’Ambra, eut la chance de voir en lui un futur classique au même titre que Stendhal.

Céleste Albaret (1891-1984) devient sa gouvernante. Elle lui fut présentée par son mari, Odilon, chauffeur de taxi dont Marcel utilisait les services. Elle publiera en 1973 un Monsieur Proust. On en fait le modèle de Françoise, la gouvernante du narrateur de la Recherche.

Alfred Agostinelli (1888-1914), un mécanicien qu’il a connu à Cabourg, devient son amant et s’installe chez lui avec sa compagne en janvier. En décembre il le quitte. Ce dernier est désespéré. C’est à ce moment que le prénom Albertine, qui désigne le grand amour du narrateur dans la Recherche, apparaît dans les brouillons. Bref, Albertine passe pour un masque d’Albert ou Alfred : ce que Gide reprochera à Proust, méconnaissant certainement la complexité de sa théorie de l’homosexualité – mot récent à l’époque, d’origine allemande, que Proust n’aimait pas – théorie qui se découvre dans Sodome et Gomorrhe I.

Le 30 mai 1914, Alfred Agostinelli se tue dans un accident d’avion. Il s’était inscrit dans une école de pilotage sous le nom de … Marcel Swann. Proust prépare le deuxième volume qu’il avait prévu, Le Côté de Guermantes. Le troisième à ce moment est Le Temps retrouvé. Mais la guerre retarde la parution. Toutefois, il commence véritablement la première version d’Albertine disparue. À la déclaration de guerre, il demande à Céleste Albaret de s’installer chez lui, ce qu’elle fait avec son mari. Il passe avec elle le mois de septembre à Cabourg.

En 1915, le deuxième volume de la Recherche ne peut paraître à cause de la guerre, Proust en augmente le contenu. Il rédige les grandes lignes de Sodome et Gomorrhe, de La prisonnière et d’Albertine disparue. Certains de ses amis meurent à la guerre.

En 1916, la Nouvelle Revue Française, rattrape sa bévue et rachète à Grasset les droits de publication de l’œuvre de Proust. Marcel continue à mener une vie mondaine malgré ses souffrances physiques. Il fréquente le restaurant Larue et le Ritz. Il a pour amis Jean Cocteau (1889-1963), Paul Morand (1888-1976), la princesse Soutzo ( ?-1975), Jacques de Lacretelle (1888-1985), les Daudet et la comtesse de Noailles. Il fréquente aussi la maison de passe créée en janvier 1917 par Albert Le Cuziat, ancien valet de chambre du prince Radziwill, où officient des hommes (un modèle de Jupien pour certains). C’est peut-être son terrain d’observation du sado-masochisme homosexuel dont on trouve une scène dans le dernier volume : Le Temps retrouvé. Il travaille dans le même temps aux différents volumes de la Recherche. Il rédige les scènes qui se passent pendant la guerre du Temps retrouvé.

En 1918, Proust recrute au Ritz un nouveau secrétaire avec qui il aura une liaison, Henri Rochat, qu’il gardera deux ans. Il fait la connaissance de François Mauriac (1885-1970). Il donne une Préface à Propos de peintre de Jacques-Émile Blanche. Il pastiche Saint-Simon (1675-1755). L’achevé d’imprimer de la réédition chez Gallimard de Du côté de chez Swann et d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs, deuxième tome de la Recherche est daté du 30 novembre.

Quant aux prétendues clefs, c’est-à-dire au modèle dont Proust se serait inspiré, lui même a indiqué avec clarté que ce n’était pas l’essentiel. C’est ainsi qu’il écrit dans sa dédicace à Jacques de Lacretelle (1888-1985) d’avril 1918 :

« Il n’y a pas de clefs pour les personnages de ce livre ; ou bien il y en a huit ou dix pour un seul. »

Dans la même dédicace, il donne également les “modèles” de la sonate de Vinteuil, à savoir Saint-Saëns (1835-1921), Wagner, Schubert (1797-1828) et Fauré.

Pendant la guerre, Marcel se promène la nuit, même sous les bombardements. Il est le premier romancier à décrire la guerre aérienne.

Signalons une anecdote qui se passe après la guerre. Emmanuel Berl (1892-1976) qui avait rendu visite à Proust fut injurié, mis à la porte accompagné des pantoufles que Proust lui jeta au visage. Sa faute : croire en l’amour humain [cf. Georges Painter, Marcel Proust, Paris, Mercure de France, 1966, tome II, p.320.]

En 1919, paraissent en juin Pastiches et Mélanges et le deuxième tome de la Recherche lui vaut le prix Goncourt le 10 décembre. La presse se déchaîne car un non combattant est choisi. On accuse Proust d’avoir payé le jury.

« Nous les anciens soldats avons élu Dorgelès. Marcel Proust doit son prix à la reconnaissance de six hommes dont il a flatté l’estomac. » lit-on dans Le Populaire.

En 1920 il écrit « À propos du style de Flaubert » dans la Nouvelle Revue française en réponse à l’article du critique bergsonien, Albert Thibaudet (1874-1936), « Une querelle littéraire sur le style de Flaubert » paru dans la même revue le 1er décembre 1919. Le Côté de Guermantes I paraît le 1er octobre. Il donne une Préface (sur le style) à Tendres Stocks de Paul Morand (1888-1976).

La vie de Proust est assez simple. Il écrit dans son lit, allongé. Il sort tard le soir pour dîner au Ritz ou il rend visite à ses amis fort tard. Il fréquente les maisons closes pour hommes. Il dicte à Céleste Albaret les innombrables lettres qu’il adresse au monde extérieur. Grâce au théâtrophone il entend les principaux concerts et opéras donnés à Paris. Il fait venir des musiciens qui lui jouent le Quatuor de César Franck (une des sources d’inspiration supposée de la sonate de Vinteuil) ou les derniers quatuors de Beethoven. On peut noter qu’il revoie Bergson.

En mai 1921, Le Côté de Guermantes II et Sodome et Gomorrhe I paraissent. Il écrit un article sur Baudelaire. Marcel sort une dernière fois. Il se rend à une exposition de peintres hollandais à l’Orangerie pour admirer à nouveau la Vue de Delft de Vermeer. Il est victime d’un violent malaise. Il s’en serait inspiré pour la mort de Bergotte dans La prisonnière. En novembre, il fait paraître un extrait de Sodome et Gomorrhe sous le titre Jalousie dans « Les œuvres libres », collection de la librairie Arthème Fayard, ce que ne prévoyait pas son contrat chez Gallimard.

En 1922, Sodome et Gomorrhe II paraît. C’est le dernier volume de la Recherche qui paraît de son vivant. Proust est attaqué. Du côté catholique, l’écrivain Paul Claudel dénonce le « Juif sodomite ». Gide, lui reproche de ne montrer l’homosexualité que sous des aspects négatifs.

« La lâcheté générale aidant, je ne connais aucun écrit qui, plus que la Sodome de Proust, soit capable d’enfoncer l’opinion dans l’erreur. » écrira-t-il.

La Prisonnière qu’il a fait tapée est sous presse. Proust prévoyait d’en faire paraître un extrait. Il dîne en mai avec le peintre Pablo Picasso (1881), l’écrivain irlandais James Joyce (1882-1941) et le compositeur russe Igor Stravinski (1882-1971). En septembre sa santé se détériore. Début octobre une bronchite dégénère en pneumonie. Il continue à travailler et dicte encore deux fragments pour la mort de Bergotte la nuit qui précède sa mort le 18 novembre à seize heures trente.

 

En 1923, un numéro spécial de la Nouvelle Revue française d’hommage lui est consacré. Les signataires sont Maurice Barrès, le poète surréaliste Philippe Soupault (1897-1990), Léon-Paul Fargue (1876-1947), Valéry Larbaud (1881-1957), Jean Cocteau, Paul Morand, Paul Valéry (1871-1945), André Gide. La Prisonnière paraît. En préparation, elle ne pose pas de problème particulier.

En 1925, c’est Albertine disparue qui paraît. Le titre prévu au départ par Proust était La fugitive. Il avait changé à cause d’un ouvrage ainsi intitulé qui venait de sortir. D’où les variations en fonction des éditions. L’édition des derniers volumes posthumes a été préparée par Jacques Rivière, le directeur de la NRF et par Robert Proust. Le premier meurt cette année-là.

En 1927, Le temps retrouvé paraît.

En 1930, une première édition séparée d’Un amour de Swann paraît chez Gallimard. Elle est illustrée par Pierre Laprade.

En 1935 meurt Robert Proust.

Sa Correspondance a été éditée par Philip Kolb en 21 volumes chez Plon de 1970 à 1993.

En 1978, il faisait paraître chez Gallimard « L’indifférent ».

En 1987, la Recherche du temps perdu est entrée dans le domaine public, ce qui permet à chaque éditeur de refaire les volumes posthumes, comme il croit qu’il faut entendre le projet de Proust.

 

 

 

Publié dans Littérature

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